Du sérieux et du lourd chez moi aujourd’hui, finit de rire et de parler de glaire et de règle!
En recherchant sur internet, je me suis rendu compte que cette expression de « faire le deuil de la grossesse naturelle » que je croyais très courante en AMP ne l’était finalement pas tellement. Dans les uns ou deux livres sur la fiv que j’ai lus (et que je n’ai pas finis parce qu’ils ne me plaisaient pas plus que ça d’ailleurs), il en était très peu question. Du coup, mon article d’aujourd’hui n’est pas du tout à prendre comme un truc psychologique, c’est juste un compte-rendu de mon expérience (genre la meuf quoi) et de mes impressions.


1. Arrêter de croire au bébé couette

Un jour on décide de faire un bébé. On essaye d’abord en se disant qu’on ne se prendra pas la tête, mais on y pense quand même tout le temps. Et puis on essaye longtemps. Plus longtemps que les copines, plus longtemps que tout le monde. Ca devient une obsession: l’obsession de la culotte et de ce qui se passe dedans, l’obsession de la température et de la courbe le matin, l’obsession des touktouk programmés avec dispute si le conjoint a le malheur d’être fatigué, obsession de « si je vais aux toilettes maintenant tout va couler, faut que je reste allongée une heure au moins ». Et un jour, on reçoit le courrier, on va voir le médecin, celui qui annonce que c’est mort. Que les chances d’avoir un bébé naturellement sont beaucoup trop faibles pour qu’on puisse s’en contenter. Il y a des gens à qui ça fait l’effet d’une douche froide. Il y a des gens qui entendent cette phrase résonner dans leur tête du matin au soir. Moi je m’y attendais. J’ai toujours plus dur de devoir attendre sans savoir pourquoi ça ne marchait pas, et d’espérer en vain, que de trouver enfin la source du problème. C’est personnel comme démarche de toute façon, plus encore, c’est même intime.

Et c’est à partir de ce moment qu’on remet en cause tout ce en quoi on avait cru, comme le fait que les bébés sont le fruit d’un très grand amour entre un homme et une femme. Bah nan, les bébés sont aussi le fruit d’un très grand amour entre leur parents aidés d’un gynécologue spécialisé, d’un biologiste et de son équipe, et d’une foule d’autres personnes qui travaillent dans un hôpital. Et c’est à partir de ce moment qu’on est supposé se dire que voilà, les essais bébés au lit, c’est fini, faire l’amour est complètement déconnecté de l’idée de reproduction, on oublie ce que signifie le mot « contraception » puisque de toute façon, ça ne nous concerne plus. En ce qui nous concerne, on ne nous a jamais donné de pourcentage de chance de réussite comme le font certains gynécologues « 10% de chance d’avoir un bébé naturellement », « 2% de chance ». Je ne sais même pas si leurs expressions ont vraiment un sens, si scientifiquement ça veut vraiment dire quelque chose ou si c’est juste une impression de précision qu’ils cherchent à nous donner. Nous on nous a dit « Faire un bébé à vous deux n’est pas impossible. Ca peut arriver demain, dans cinq ans, dans dix ans, jamais. C’est pour ça qu’il vaut mieux être pris en charge ». Que les gens qui arrivent en cours de blog ne se leurrent pas: nous avons des gros gros gros problèmes d’altération du sperme, venant de causes multiples et qui ne se soignent pas. Le biologiste a dit à monsieur Faithful: « Estimez-vous heureux, avec tous les problèmes que vous avez d’avoir encore des spermatozoïdes, dans d’autres cas il aurait fallu congeler d’urgence ». Et bah on n’est pas rendus!

Je vous ai mis une image là parce que ça commence à faire long l'article, et il l'est encore je vous préviens


2. On ne fait pas les bébés en faisant l’amour!

Vous me direz, à quoi ça sert de pouvoir tirer un trait sur l’idée d’une grossesse naturelle? Moi je trouve ça absolument nécessaire, mais c’est mon point de vue bien sûr, pas du tout un jugement de valeur. C’est important pour moi parce que ça m’a permis de retrouver plaisir à faire l’amour (ouais les gens, je suis comme ça moi, je vous parle de ma libido, je ne vous cache rien, ou presque). On a passé plus d’un an avec le mari à concevoir le touktouk comme un acte de reproduction uniquement, qui ne devait avoir que ce but. En tout cas, c’est ce que c’est très rapidement devenu. Ho-rri-beul. Je sais pas comment notre couple a survécu à ça (enfin si, je sais, c’est parce qu’on s’aimeuh trop d’amour bien entendu, mais même comme ça, c’est pas gagné). Ce bébé qu’on n’arrivait pas à faire venir créait beaucoup de tensions, on se sentait responsables. Maintenant on sait que non, ce n’est pas de notre faute. C’est pas de chance, on a comme une maladie anti-bébé, mais dont on n’est pas du tout responsables, voilà, maintenant, on va faire des bébés autrement. Ou peut-être qu’on ne les fera pas du tout, mais qu’importe.
Donc j’ai besoin de me dire que mon bébé ne sera pas qu’une histoire de couple pour pouvoir: arrêter de surveiller ma glaire cervicale du matin au soir, ne pas me sentir obligée de faire l’amour 24h avant l’ovulation, ne pas me poser dix milliards de questions une fois que j’ai ovulé, ne pas courir à la pharmacie acheter un test 5 jours avant la date présumée des règles, bref passer tout mon temps à me surveiller et à penser bébé.Maintenant, je vis vraiment, et si je pense au manque que représente le fait de ne pas être mère, je ne pense plus à longueur de temps à si je suis enceinte et si non comment je pourrais l’être. Fini aussi de pleurer dans les toilettes une fois par mois maintenant. Je ne sais pas si les gens qui ne sont pas passés par là se rendent compte à quel point c’est prenant et usant d’être obsédé par l’idée de faire son bébé soi-même. Je me suis vraiment sentie libérée le jour où je suis allée faire pipi après un rapport sexuel: bah oui, faire pipi juste après,c’est le mal! C’est un génocide de spermatozoides! C’est limite un moyen de contraception (dans ma tête de chercheuse de bébés hein, dans la vraie vie ce n’est pas du tout un moyen de contraception jeune adolescente tombée ici au moyen d’une recherche google et qui ne connait pas bien les mécanismes de la reproduction!). Ce jour-là, je me suis dit ça y est, je n’y crois plus, plus du tout, et c’est bien.


3. Faire le deuil alors, c’est possible?

Et ce jour-là, en utilisant l’expression « du tout, je me la pétais un peu. Ne plus du tout y croire, ce n’est pas exactement ça. C’est ma raison qui sait que c’est fini pour nous ce genre de chose, qui me martèle que nous n’aurons pas d’enfant comme ça. Je me dis que si on avait 5% de chance d’avoir un bébé naturellement, je l’ai grillée avec ma grossesse biochimique, et que maintenant c’est mort pour la vie, mais c’est comme ça.

Ceci dit, ça ne m’empêche pas, parfois d’y croire un peu, d’acheter un test pour vérifier. J’ai des cycles un peu capricieux dirons nous, qui alternent entre 35 et 48 jours en gros, donc c’est pas compliqué de se faire des films. Je lutte, de plus en plus contre cette tendance. Je voudrais pouvoir ne plus du tout espérer. Mais les gens disent « C’est quand on s’y attend le moins », la vie même le dit, c’est vrai que des fois c’est quand on n’y croit plus du tout. Les gens disent aussi « Tout peut arriver, il y a toujours une chance même si elle est très faible », c’est vrai, mais elle est tellement faible justement, j’ai autant de chance d’avoir un bébé naturellement que de mourir dans un attentat en prenant le rer!

J’ai encore du mal à me dire qu’un bébé naturel ne viendra jamais. D’ailleurs je m’en fous, et ça c’est vrai, l’important pour moi c’est d’avoir un enfant, et puis j’ai jamais été vraiment fan de nourriture bio et issue de la nature, je préfère les bonbons, donc c’est pas grave pour moi de devoir passer par l’amp, et j’ai de la chance pour ça. Seulement, je me dis qu’un jour, peut-être, sûrement, par une surprise, j’aurai un bébé qui viendra tout seul, sans qu’on l’ait programmé, sans qu’on ait dû aller trois fois par semaine à l’hôpital, et mettre en place toute une machine de guerre.

Bien sûr, je le répète, c’est une gestion très personnelle du problème que j’expose ici, et je serai ravie d’avoir des témoignages de filles qui voudraient exposer la leur, pourquoi pas même les publier ici si elles le veulent, pourquoi pas même de filles qui ont eu ces miracles de la nature. Je pense que c’est bien de confronter toutes les façons de voir, d’échanger nos points de vue sur un même problème, parce qu’après tout, dans une épreuve comme celle-ci, toutes les voies qui peuvent nous rapprocher de la sérénité ne sont-elles pas les bonnes?
Je voulais aussi exprimer toutes mes réserves quant à l’expression « faire le deuil » qui est bien sûr supposée s’appliquer à des choses bien plus grave que ce qui nous regarde, mais je n’en ai pas trouvé de plus parlante qui puisse exprimer l’idée de faire une croix totalement sur cette grossesse naturelle à laquelle nous avons longtemps consacré tous nos efforts.